Covid- 19 : Haïti parmi les pays les plus touchés par la baisse des transferts de la diaspora
« La baisse des envois de fonds dans la région touchera de nombreux pays d’Amérique latine et des Caraïbes à un moment où la croissance économique était déjà faible […] Avec la baisse à venir, au moins un million de ménages seront touchés », informe un rapport du think tank Inter-American Dialogue (Dialogue interaméricain) basé aux Etats-Unis intitulé « Migrants et impact de la pandémie de Covid-19 sur les envois de fonds ».
Ce rapport datant du 18 mars 2020 donne un aperçu de l’impact potentiel de la pandémie de coronavirus sur les immigrants américains et les envois de fonds des familles et prévoit qu’Haïti, le Venezuela, le Nicaragua et le Honduras, des pays dépendant davantage des envois de fonds et où les performances économiques sont plus faibles, devraient être les plus touchés par cette récession.
« Compte tenu des vulnérabilités financières et sanitaires des migrants ainsi que de la récession prévue, une estimation prudente montre qu’en 2020, les envois de fonds diminueront jusqu’à 3% par rapport à 2019, passant de 77 milliards à 75 milliards de dollars », souligne le rapport précisant que les effets de la récession résultant de la pandémie porteront un coup à l’emploi ainsi qu’aux envois de fonds.
Plusieurs projections d’experts pointent vers une récession mondiale et américaine qui affectera la croissance économique et supprimera 3 millions d’emplois, établit le document, ce qui affecterait 595 000 travailleurs migrants. Une baisse des envois de fonds est l’une des nombreuses conséquences de cette perte d’emploi.
« Pour Haïti et le Honduras, la baisse des envois de fonds affectera largement la croissance économique. Les deux pays dépendent dans une large mesure des flux monétaires, qui représentent respectivement 36 et 22% de leur produit intérieur brut. Dans le cas d’Haïti, qui connaît en 2019 une baisse de -0,7 du PIB du pays, l’augmentation du montant des transferts, qui s’élevait à 150 millions de dollars, a empêché l’économie de continuer à décliner », alerte le think tank dirigé par Manuel Orozco et dont le Q.G. se trouve à Washington.
En outre, suivant les estimations de ce rapport, Haïti serait le 3e pays de la région à enregistrer le plus de pertes d’emploi parmi ses migrants expéditeurs d’envois de fonds derrière le Mexique (332 980) et la Colombie (129 106). Sur les 1.58 millions d’expéditeurs, 71 356 (soit 4.5%) pourraient perdre leur job, dont plus de 64 000 (90% d’entre eux) pourraient cesser d’envoyer des fonds à leurs proches en Haïti. Néanmoins, en termes d’expéditeurs nets en 2020, Haïti se classerait en 3e position (1.54 million) derrière le Mexique (7.19 millions) et la Colombie (2.79 millions), loin devant la République dominicaine avec ses 873 103 expéditeurs nets. Après avoir reçu 3,3 milliards de dollars d’envois de fonds l’année dernière, Inter-American Dialogue anticipe une baisse de 3.1 milliards de dollars en 2020.
Cependant, l’impact le plus spectaculaire concerne les ménages de ces pays. « Les envois de fonds sont des transferts de famille à famille, d’un travailleur migrant à un ménage en Amérique latine et dans les Caraïbes », rappelle l’étude calculant qu’au moins 5% des ménages recevant des envois de fonds n’auront pas ce revenu, ce qui représente 50% de tous les revenus de ces foyers. Pour les pays qui ont connu une croissance économique lente, le manque d’envois de fonds affectera leurs dépenses quotidiennes. Avec une contraction estimée à -1,6% pour la région, une baisse des envois de fonds aggravera encore leurs conditions.
Les leçons de la récession de 2009 ont servi de cadre de référence à cette présente étude lui permettant de relever des indices importants quant à l’impact de cette crise sur les comportements des envois. La gravité de la récession de 2009 a eu pour effet de réduire la croissance des envois de fonds de 12%. Cette baisse était en grande partie liée à l’incapacité des chômeurs à envoyer des fonds ainsi qu’à une diminution du montant envoyé par les personnes employées.
Une étude réalisée en 2009 par Inter-American Dialogue a montré que le principal montant envoyé avait chuté de 5% par rapport à 2008 et la fréquence d’envoi avait chuté de 20%. Parmi les chômeurs, le pourcentage de personnes qui ont continué de verser des fonds au cours des six premiers mois après avoir perdu leur emploi a chuté de 40% à 25%.
« Environ 5% de la main-d’œuvre migrante d’Amérique latine et des Caraïbes perdront leur emploi (17% des 3 millions de travailleurs aux États-Unis perdront leur emploi, ce qui représente 595 000 travailleurs). Parmi les chômeurs, seulement 10% utiliseront leurs économies pour envoyer de l’argent chez eux (en 2009, c’était 25%). Trente-cinq pour cent (35%) de ceux qui ont un emploi mais sont touchés par la récession par une perte temporaire de travail de deux mois enverront 5% de moins. Il s’agit d’une situation moins dramatique que ce qui s’est produit en 2009 où 45% de ceux de cette même catégorie ont envoyé 10% de moins ; soixante-cinq pour cent (65%) des personnes ayant un emploi qui sont quelque peu touchées par la récession continueront d’envoyer de l’argent comme avant la pandémie », sont quelques-unes des hypothèses émises dans ce rapport soutenant que la pandémie de Covid-19 aura des conséquences particulières sur les migrants qui sont financièrement vulnérables et qui font face à des risques sanitaires sous-jacents.
Les migrants seront probablement affectés de manière disproportionnée. En termes de risques pour la santé, les migrants font partie de la cohorte de la population américaine qui n’a pas accès à des services de santé adéquats et peut être exposée à des risques plus élevés que les autres. La peur de l’expulsion complique encore les choses car elle décourage les migrants de demander des soins.