Sans morgue publique et sans protocole connue de prise en charge des cadavres, Haïti craint la chevauchée funeste du Covid-19

Published On avril 2, 2020 | By Samanta Bellange | Coronavirus

Des jours sombres attendent Haïti. C’est une vérité de la Palice quand on regarde la chevauchée funeste du covid-19 aux Etats-Unis, en France ou en Italie. Occupé à autres choses, le pays oublierait qu’il n’y ni morgue publique et qu’il y a moins de 300 places dans des morgues privées de la zone métropolitaine où vivent quelque 3 millions de personnes. Si les scénarios redoutés se produisent, des gens de toutes conditions sociales peuvent se retrouver dans des fosses communes, comme après le séisme du 12 janvier 2010

Si la ministre de la Santé publique et de la Population, Dr Greta Roy Clément a prévenu que «des jours sombres» attendent le pays, elle n’a cependant pas évoqué de pronostic sur le nombre de morts liées au coronavirus. Entre-temps, trop occupés à la prévention et à la prise en charge des malades, peu de gens prennent le temps de revenir sur l’absence de morgue publique dans la zone métropilitaine de Port-au-Prince et à travers le pays et sur le protocole à suivre si l’on se retrouve avec un, dix, des centaines ou des milliers de morts du covid-19 sur les bras.

 « Nous n’avons plus de morgue à l’HUEH », a confié au journal la directrice du plus grand hôpital universitaire public d’Haïti, Dr Jessie Colimon Fethière. La situation date d’après le séisme de 2010, a-t-elle expliqué, soulignant que la précédente administration a un accord avec une morgue privé, Zénith, pour récupérer les patients décédés à l’HUEH. Par rapport à la probabilité d’avoir beaucoup de decès liés au Covid-19, Dr Jessie Colimon Fethière a indiqué « qu’il y a une vraie préoccupation ». Sur l’absence de morgue, la pédiatre de carrière a estimé « qu’il y a une reflexion à refaire au niveau national, au niveau étatique ».

« Par rapport à la prise en charge d’un patient qui décéderait des suites de complications liées au Covid-19, il n’y a encore rien de prévu jusqu’ici », a confié au journal le Dr Ronald Laroche, responsable des hôpitaux Dash.

« On est devant un problème très sérieux. Il faut y reflechir », a estimé Georges Celcis des entreprises funéraires Celcis, soulignant n’avoir pas encore connaissance du protocole de prise en charge des personnes qui pourraient mourir du coronavirus. Il y a des risques de contamination pour les employés qu’il faudra équiper comme on le fait pour les médecins et infirmières qui prennent en charge les malades du Covid-19.

« Le mieux serait de mettre chaque cadavre dans un sac mortuaire », a ajouté Georges Celcis, soulignant n’avoir pas encore entendu la présence de sacs mortuaires dans les équipements commandés. S’il n’y a pas de morgue publique dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince qui compte autour de trois millions d’habitants, les quelque 150 entreprises funéraires privées disposeraient de 250 places tout au plus, a estimé Georges Celcis. En cas de catastrophe, on pourrait doubler la capacité. Toutefois cela ne se fait pas, a poursuivi Georges Celcis qui redoute une contrainte: celle d’inhumer des victimes de tout âge et de toute condition sociale dans des fosses communes, comme c’était le cas après le séisme du 12 janvier 2010.

« Nous n’avons aucune idée de ce qui nous attend », s’est inquiété Georges Celcis qui a écrit aux autorités il y a trois jours pour attirer leur attention sur cette question.

« Nous avons beaucoup d’inquiétudes. Nous ne savons pas encore comment prendre en charge les personnes décédées du covid-19. Nous attendons le MSPP pour connaitre le protocole », a confié off the record un responsable de pompes funèbres. « Nous ne pouvons pas intervenir n’importe comment », a-t-il fait savoir, lui aussi inquiet pour la santé de ses employés.

« Il n’y a pas de morgue municipal », a écrasé avec regret le maire de Carrefour, Jude Édouard Pierre qui, dans son plan d’action face à « crise multidimentionelle » que représente le covid-19, a anticipé. Nous avons déjà identifié un site où creuser une fosse commune, a assuré Jude Édouard Pierre, soulignant disposer d’équipements lourds et de personnel pour effectuer cette tache de fossoyeur en cas de besoin dans sa commune.

Au 31 mars 2020, les autorités sanitaires ont révélé l’existence de 16 cas confirmés de Covid-19 en Haïti. Entre-temps, certains scénarios donnent froid dans le dos. Pourtant la courbe épidémiologique n’a rien de fictive. La chevauchée funeste du Covid-19 est bien réelle. Et elle a déjà commencé.

Pour suppléer à la saturation des morgues, des camions réfrigérés, des patinoires sont utilisés par les autorités américaines, françaises, italiennes où l’on compte des centaines de morts par jour à cause du coronavirus.

En Haïti, allons-nous faire à la va-vite, prévoir des camions réfrigérés ou laisser chacun se débrouiller avec ses morts et son covid-19 ?…

Dans le plan de préparation et de réponse du MSPP par rapport au Covid-19, il est indiqué, sans autres détails, qu’il est prévu de gérer les cadavres. Parmi les dispositions à prendre, il est prévu d’assurer la disponibilité des sacs mortuaires dans les périmètres de soins; de diffuser les bonnes pratiques de gestions des cadavres, d’élaborer et réaliser un module de formation pour les responsables mortuaires. On attend. Espérons que le coronavirus ne prendra pas le MSPP de vitesse.

 

 

 

 

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