Jean Baden Dubois : « Nous sommes une économie fragile au sein d’un pays fragile »

Published On avril 17, 2019 | By Samanta Bellange | Uncategorized

Révision à la baisse de la croissance, service de la dette élevé, programme de Facilité élargie de crédit (FEC) avec le Fonds monétaire international (FMI), le gouverneur de la Banque de la République d’Haïti (BRH), Jean Baden Dubois, dans une interview accordée à Le Nouvelliste en marge de la traditionnelle réunion de printemps du Fonds et du Groupe de la Banque mondiale, qui s’est déroulée à Washington D.C., du 8 au 14 avril, a passé en revue l’état de forme peu brillant de l’économie nationale.

« Pour nous autres en Haïti, la croissance était déjà revue à la baisse… », a indiqué le gouverneur réagissant à la baisse des perspectives économiques mondiales par le FMI qui dit s’attendre désormais à un ralentissement de la croissance en 2019 pour 70 % de l’économie mondiale.

Alors que le FMI anticipe une croissance mondiale de 3,3 % en 2019 et 3,6 % l’an prochain, Haïti devra probablement se contenter de 1,5% de croissance pour 2019 et 2020.

Dans la foulée, la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL) a elle aussi révisé à la baisse ses prévisions de croissance aussi bien pour la région que pour Haïti. D’après l’instance onusienne, la région Amérique latine et Caraïbes devrait enregistrer en 2019 une croissance économique de 1,3%.

Ces prévisions à la baisse sont symptomatiques des différents aléas et défis auxquels fait face actuellement le pays. Et, pour ne rien arranger, à en croire le gouverneur, Port-au-Prince ne peut envisager pour l’instant d’entrer de plein fouet dans le programme FEC du FMI sans mettre en place au préalable les actions d’importance sur lesquelles elle s’était entendue avec le Fonds.

« Nous nous sommes entendus sur une série de chiffres et performances que nous devons atteindre dans le cadre du programme », a souligné Jean Baden Dubois, précisant que l’une de ces actions d’importance consiste à faire le dépôt au parlement d’un budget reflétant toutes les conditionnalités discutées avec le FMI.

De plus, a poursuivi le gouverneur, le FMI attend la mise en place d’un nouveau gouvernement ainsi que le vote d’un budget n’ayant pas enregistré de changements substantiels par rapport à ce qui a été convenu.

Pour l’instant, a tenu à préciser le numéro un de la BRH, le programme de Facilité de crédit élargie a été négocié entre Haïti et le Fonds, mais il n’est pas encore signé.

Par ailleurs, « nous sommes une économie fragile au sein d’un pays fragile », a reconnu Jean Baden Dubois. De sorte que, a-t-il poursuivi, le programme discuté avec le FMI place la protection sociale au premier plan, la gouvernance et la stabilité macroéconomique ensuite.

En ce sens, le patron de la BRH appelle toutes les institutions à œuvrer de manière à sortir le pays de cet état de fragilité dans lequel il se trouve.

Un pays fragile, selon le gouverneur, se caractérise en général par deux éléments fondamentaux, à savoir l’absence de contrôle de sa population et de sa frontière.

« Haïti présente ces deux caractéristiques », a déploré Jean Baden Dubois, pointant du doigt la capacité du gouvernement à capter les revenus, notamment via les pertes d’argent au niveau de la frontière, ainsi qu’un service de la dette très élevé.

« Notre service de la dette tourne autour de 10 millions de dollars par mois », a informé le gouverneur Dubois, arguant que ce montant pourrait être investi dans la mise en place d’infrastructures permettant au pays de grandir de manière à élargir la base fiscale pour que l’État ait plus de revenus en vue de subvenir aux besoins de la population.

Toutefois, la banque centrale, dit le gouverneur, n’est pas insensible à une renégociation de la dette d’Haïti de manière à diminuer le service de la dette.

Il a cité en exemple la République dominicaine qui, pour renégocier sa dette de 4 milliards de dollars avec le Venezuela, a été lever des fonds sur le marché et racheter ensuite sa dette à 59 centimes le dollar.

Contrairement à sa voisine, Haïti n’a ni la capacité d’aller sur le marché pour lever deux milliards de dollars, ni la possibilité de renégocier sa dette avec le Venezuela.

« Mais nous restons ouverts pour tous nos partenaires qui seraient prêts à nous prêter de l’argent pour négocier l’achat de la dette avec le Venezuela », a concédé Jean Baden Dubois.

Même si les relations entre Port-au-Prince et Caracas ne sont pas au mieux, le pays continue de verser les 10 millions de dollars chaque mois sur un « compte escow ».

Ce qui explique pourquoi le service de la dette est aussi élevé.

« Dans nos relations avec les institutions de Bretton Woods, nous ne pouvons pas être en défaut de paiement de la dette. Nous devons continuer à payer la dette », a souligné le gouverneur de la BRH, expliquant ne pas être en défaut de paiement peut servir en cas d’un éventuel retour sur le marché.

En ce qui concerne le programme de Facilité élargie de crédit, Jean Baden Dubois s’est félicité du fait que les autorités haïtiennes ont déjà commencé à entreprendre les réformes nécessaires bien avant le début des négociations.

Le gouverneur a donc évoqué la signature du pacte de gouvernance avec le Ministère de l’Économie et des Finances (MEF) ainsi que la décision de libéraliser le marché pétrolier.

Ensuite, Jean Baden Dubois a poursuivi en citant les états audités de la banque centrale qui devaient être prêts, signés et publiés à la date limite du 30 juin suivant conditionnalité dans le programme mais qui sont prêts depuis le 31 mars.

Pour ce qui est du financement monétaire, « nous sommes restés en-dessous de ce que nous avions signé dans le protocole ».

Dans un premier temps, le programme devait être présenté le 24 avril prochain devant le conseil d’administration du Fonds, a fait savoir le gouverneur Dubois informant d’un report autour de la date du 21 mai.

Un premier décaissement de 45 millions de dollars environ est prévu à la signature tandis que le deuxième décaissement ne devrait intervenir qu’après la revue du 30 juin.

« Même si le programme était signé début juin, nous serions toujours dans les temps », a affirmé, confiant, Jean Baden Dubois, redoutant tout de même une éventuelle perte de temps dans le processus de ratification du Premier ministre.

« Si nous n’avons pas un Premier ministre avant le 30 juin, nous serons obligés de renégocier le programme », a-t-il averti, soulignant que pour Haïti, l’idéal serait de signer le programme début juin aux fins d’être prêt pour la revue du 30 juin qui lui donnerait droit au deuxième décaissement.

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