Des « découvertes troublantes » concernant AGRITRANS

Published On juin 4, 2019 | By Samanta Bellange | Actualités

Dans le deuxième rapport rendu public le vendredi, la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC/CA) dit avoir constaté des « irrégularités » lors de l’examen des projets mis œuvre par le ministère des Travaux Publics, Transports et Communication. Vu la « gravité » de ces « irrégularités », la Cour a recommandé que « Le MTPTC renforce son dispositif de contrôle interne afin de s’assurer que certains serviteurs de l’État ne posent plus des actions qui causent des préjudices à la communauté et qui permettent de contourner allégrement la réglementation en vigueur en matière de gestion de projets publics et en gestion contractuelle ». La Cour  exige aussi que «  les autorités compétentes diligentent une enquête afin de déterminer s’il y a matière à poursuite pour des irrégularités ayant causé préjudice à la communauté : favoritisme dans l’octroi des contrats, décaissements non justifiés, retenus de 2% à la source +impôt sur le revenu+ sur les acomptes provisionnels, mais non versés à la DGI, etc. ».

Par exemple, dans l’analyse du projet de « Réhabilitation du tronçon route Borgne/ Petit Bourg de Borgne », exécuté par la firme AGRITRANS, dirigée à l’époque par Jovenel Moise, actuel président de la République, la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif a relevé que des fonds ont été décaissés dans le cadre de ce projet bien avant la signature du contrat. «   Le 23 juin 2014, bien avant la conclusion du marché, bien avant la sélection de l’entrepreneur, bien avant la signature du contrat et sans détenir aucune information sur le coût du marché, le MTPTC a requis et obtenu un premier décaissement de 633 199,52 USD, soit l’équivalent de 28 873 893 HTG qui a été viré au compte 121-208-019 du MTPTC pour le démarrage des activités du projet », précise la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif dans son rapport de 162 pages soumis ce vendredi au parlement.

La Cour des comptes souligne que cette avance de démarrage des travaux a été « détournée de son objet ».  « Une partie (66%) de l’avance de démarrage (19 000 000 HTG) a été décaissée et utilisée près de deux (2) mois avant la signature du contrat », précise la Cour estimant qu’ « une telle décision du MTPTC a causé irrémédiablement un préjudice au projet et à la communauté ».  De plus, de cette somme, a noté  la Cour, le MTPTC avait viré 14 000 000 HTG, soit 48,5% au profit de la Direction départementale du Nord (DDN) du MTPTC. «  En l’absence de pièces justificatives relatives à cette transaction, la Cour n’est pas en mesure de se prononcer sur la régularité de l’utilisation de ces fonds », lit-on dans le document.

La Cour indique avoir fait un « constat troublant concernant la deuxième transaction en lien avec cette « avance ». « En effet, précise la Cour des comptes,  le 26 août 2014, bien avant même d’avoir été sollicitée, d’avoir présenté une offre technique et financière et encore moins d’avoir signé un quelconque contrat, l’entreprise AGRITRANS a bénéficié d’un montant de 5 000 000 HTG +Chèque #123564+. Le libellé de la transaction mentionne que cette somme est destinée à l’achat de carburant dans le cadre de la réhabilitation du tronçon Borgne – Anse à Foleur, un autre projet distinct du projet de Réhabilitation du tronçon de la route Borgne – Petit Bourg de Borgne ».  « Pour la CSCCA, cette décision du MTPTC est illégale et grave. Il s’agit d’un acte de détournement de fonds publics qui a causé des préjudices au projet et à la communauté », selon ce qui est écrit dans ce rapport de 162 pages qui a été soumis au parlement ce vendredi.

Il eut été logique que ce marché fasse l’objet d’un appel d’offres ouvert conformément à l’article 2, alinéa 1 de l’arrêté du 25 mai 2012 fixant à 40 000 000 HTG les seuils de passation de marchés des travaux, estiment les juges de la CSC/CA. Mais pour éviter cet écueil, notent les juges, le MTPTC a sollicité AGRITRANS qui a fourni une offre estimée à 39 990 399 HTG.

Alors que l’offre pour l’exécution de ce projet « Réhabilitation de la route Borgne – Petit-Bourg-de-Borgne » a été estimée à 39 990 399 HTG, le montant total qui a été in fine dépensé au nom de ce projet a été de cinquante millions deux cent cinquante-deux mille sept cent quatre-vingt-six gourdes (HTG 50 252 786), selon la Cour supérieure des comptes  après comptabilisation de l’avance de démarrage de 28 873 898 HTG, soit 72,2% de la valeur du contrat qui avait été décaissé par le MTPTC.

« Des 28 873 898 HTG décaissées comme avance de démarrage des travaux, seulement 25,8% (7 440 000 HTG) ont été allouées au projet et payées à AGRITRANS (chèque # 126 143) », analysent les juges de la Cour des comptes. Ils observent « que toutes les autres dépenses ont été effectuées à d’autres fins, à l’instar de la somme de 1 280 097 HTG qui aurait servi à payer des salaires des employés du Service d’entretien d’équipements urbain et ruraux (SEEUR) pour le mois de décembre 2014.

Deux contrats pour un même projet

Dans ses travaux d’audit du projet « Réhabilitation du tronçon route Borgne/ Petit-Bourg-de-Borgne, la Cour des comptes dit avoir fait  une « découverte troublante ». «  Le 12 décembre 2014, pour le même projet, le MTPTC a accordé un autre contrat à une deuxième firme en l’occurrence BETEX INGENIEURS CONSEILS (BETEXS) pour la réalisation des travaux du même tronçon de route Borgne – Petit-Bourg-de-Borgne » pour un montant de 34 998 785,50 HTG.

L’examen et la comparaison des deux contrats pour le même projet a mis en exergue des similitudes, qualifiées d’ « étonnantes »  par la CSC/CA, entre les deux entreprises. « Les deux entreprises ont le même numéro d’immatriculation fiscale, le même numéro d’agrément et le même numéro de patente. De plus, elles partagent le même personnel technique et surtout ont les mêmes réalisations au niveau de leurs expériences générales. Pire, cette analyse montre que les deux entreprises ont réalisé distinctement les mêmes ouvrages aux mêmes dates pour ce qui est de leurs expériences spécifiques », fait ressortir la CSC/CA  concluant que ceci « n’est ni plus ni moins qu’un stratagème de détournement de fonds ».

Le rapport de la Cour des comptes a évoqué le nom de ces deux entreprises dans un autre projet géré par le MTPTC. Il s’agit du projet  « Réhabilitation de la route Port-de-Paix – Port-Margot » dont la résolution pour la réalisation a été adoptée en conseil des ministres le 15 avril 2015 pour un montant de 7 000 000 de dollars. «  Une partie des fonds issus de cette résolution (1 063 005,07 USD, soit l’équivalent de 50 806 646,25 HTG) dédiés à ce projet a été transférée au profit des firmes AGRITRANS et BETEXS et utilisée à d’autres fins. Ces paiements ne concernent pas le Projet de réhabilitation de la route Port-de-Paix – Port-Margot », selon la Cour des comptes. Le MTPTC a fait le choix de transférer les montant aux firmes AGRITRANS (36 162 036,15 HTG) et BETEXS (14 644 610,10 HTG) afin d’honorer des paiements correspondant à des contrats spécifiques conclus bien avant la résolution du 15 avril 2015, précise l’institution.

 

 

 

 

 

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